Poèmes

 

 

Illustration © Sandra Aitmehdi

LA MESSAGÈRE DU SOIR

 

Ses pas légers et clairs

Résonnent sur le trottoir.

 

Cette étrange messagère

Au chapeau de cendal,

Est-ce Abonde ou Mélusine ?

 

Les belles du couchant

Ont fleuri dans le coin

Le plus sombre de ma mémoire

Et quand s'évaporent les brouillards,

Est-ce l'étoile du soir

Qui badine avec la lune ?

 

Poème © Sélène Wolfgang

Extrait de "La chevaucheuse de lune"

 

L'ÉLOGE DE LA MÉLANCOLIE

 

Elle a volé les rares 

Rayons du soleil.

Elle est habillée des plus beaux

Bleus du ciel.

 

Lorsque d'un coup d'éventail,

Elle essaie en vain de balayer

Le douloureux souvenir,

Dans la lumière perse de ses yeux,

Je vois se mouvoir

Le spectre de la mélancolie.

 

Ses secrets sont dans ce livre

Perdu au fond de la mer.

Sous la houle de sa toison fauve

Aussi éclatante que la foudre,

Nage et roule

Comme le tonnerre un serpent.

Je l'ai aperçu, un soir,

Darder vers le firmament

Sa langue comme l'éclair !

 

Poème © Sélène Wolfgang

Extrait de "La chevaucheuse de lune"

 

LE CORTÈGE EN DENTELLES

 

Tandis que s'envolent les dentelles

De leurs brèves amours,

Les filles de la brume,

Doucement, avancent

Vers l'arche de leur disparition.

 

Poème © Sélène Wolfgang

Extrait de "La chevaucheuse de lune"

 

Illustration © Sandra Aitmehdi

PRÉLUDE

 

Qu'il est merveilleux l'éveil de la forêt !

 

Les parfums ensorcelants

Qu'exhale la terre

Montent vers l'azur,

Enlacent l'astre 

De beauté qui rougeoie.

 

Comme les bourgeons des fleurs,

Les paupières de la muse s'ouvrent.

Lorsqu'elle fait corps

Avec l'acajou ou le noyer,

Les oiseaux du désir

Inondent ses chairs

De leurs mélodies nouvelles. 

 

Qu'il est merveilleux l'éveil de la forêt !

 

Poème © Sélène Wolfgang

Extrait de "La chevaucheuse de lune"

 

NAISSANCE DU JOUR

 

Parmi les ruines, tirelirent

Les gardiennes des peupliers.

 

Leurs âmes en fleurs

Se ferment et gardent

Leurs dangereux parfums

Lorsqu'au crépuscule,

Se posent des hiboux

Sur leurs épaules nues.

 

Sous des torrents d'étoiles,

Leurs écorces flamboient.

 

Enracinées à ma mélancolie,

Les dormeuses, autrefois,

Filles de Neptune

Retrouvent en l'eau de mes larmes,

Leurs féeries disparues !

Elles livrent alors

Les lumières du couchant

Aux inconnus, à ces oiseaux

Qui ne savent plus voler,

Puis offrent leurs baisers

Aux anges de la nuit

Et de ces amours singulières,

Naît le jour  !

 

Poème © Sélène Wolfgang

Extrait de "La chevaucheuse de lune"

 

D'OMBRES ET DE SONGES

 

Languide, la femme à l’écharpe d’hermine passe son doigt là où vos dents ont tatoué le secret, esquisse un long baiser, vous adonise de désirs et goûte au philtre d’amour pendant que vous croquez sa nudité.

 

Texte © Sélène Wolfgang

Extrait de "La chevaucheuse de lune"

 

Illustration © Sandra Aitmehdi

CONFESSIONS

 

Raconte-moi

Le début et la fin

De ce corps à corps

Jamais confessé en prologue

D'un livre défendu.

 

Raconte-moi le péché

Des amants, l'ombre

Libertine de mes doigts.

 

Dis-moi,

Était-ce toi le malin

Qui est venu tout à l’heure

Frapper à la porte

De la maison-lyre

Où je demeure ?

 

Avoue-le-moi

Avant l’heure pourpre,

Avant la danse

Nuptiale des rêves.

 

Poème © Sélène Wolfgang

Extrait de "En comptant les étoiles" (à paraître)

 

À MOITIÉ DANS UN RÊVE

 

J’étais à moitié dans un rêve quand je poussai la porte en ogive d'une maison abandonnée. Des coquelicots longeaient les couloirs vitrés. Des parfums de lavande émanaient des murs tremblants et lézardés.

Une colombine aux cheveux bleus et hirsutes jouait de la harpe. Elle était assise en face de l’âtre où brûlaient des poèmes de Baudelaire et de Verlaine. Les cendres d’un idéal calciné voltigeaient. Alors du chapeau d’un magicien, jaillit l’oiseau d’espérance, puis, tout à coup, tous disparurent dans l’immense labyrinthe de la nuit.

 

Texte © Sélène Wolfgang

Extrait de "En comptant les étoiles" (à paraître) 

 

LE ROYAUME DE LA MÉLANCOLIE

 

La rosée perlait les joues du soleil.

L’anneau d’éternité tomba dans la trouée d’or.

Un lézard d’avril arpentait la tour de nuages en ruines.

Une prédatrice à la fourrure de cendre et à la griffe d’ébène longeait les squelettes d’érables majestueux.

Sur le dos d’un renne, Lilibeth descendit les marches de l’aurore. Sa sœur Rebecca regardait les poissons rouges danser dans l’onde étoilée. La mariée de l’esprit de l’eau savait comment faire pousser des roses dans ces tristes profondeurs que l’on nommait le Royaume de la Mélancolie.

Alors, les filles perdues s’évaporèrent comme les larmes du sinistre azur.

 

Texte © Sélène Wolfgang

Extrait de "En comptant les étoiles" (à paraître) 

 

Photo © Marko Liver Photography

« Je suis le spectre d’une rose

Que tu portais hier au bal. »

 

 Théophile Gautier

LE FADO DES HEURES (extrait)

 

Elle lui apparut quand vint l’heure bleue. Elle était assise sur le banc des amants dans l’allée des soupirs. Il se souvint de l’inconnue dans le Tunnel de l’Amour. Elle s’appelait Macha.

L’arbre de Vénus pleurait. Une de ses larmes rouge comme le sang tomba sur la robe de soie saphirine de la jeune fille. Elle devint, alors, un coquelicot dont chaque pétale étiolé fut emporté par le vent. L’un d’eux s’échoua dans l’amphore de la gardienne de pierre d’un cimetière oublié.

Lorsque des lucioles et des cigales jaillirent du noir azur, la muse reprit forme humaine. Parmi les tombes moussues, elle erra longuement avant de descendre dans une crypte.

Un chat la fixait entre les vitraux fêlés de la nuit. De quel temple égyptien venait ce doux félin que je vis, tout à coup, bondir sur le dais étoilé du ciel ?

 

Texte © Sélène Wolfgang

Extrait de "En comptant les étoiles" (à paraître) 

 

REMEMBRANCES

 

Je me souviens de cette nuit,

C'était la nuit des perséides.

 

Je me souviens de l'impromptu

De l'été, du moulin

De la marquise, de cette sente 

Pavée d'orchidées,

Des papillons d'obsidienne

Qui surgissaient de la nue,

Du vieil oratoire,

De la jeune fille aux stigmates,

De la blafarde qui oscillait

Dans le ciel, des bruits

De calèches, de cette princesse

Au camélia qui jouait

Du clavecin, du lied

Des promeneuses sorties

Du manoir abandonné

Des rêves et aussi blêmes

Que le lémure de l'eau,

Des cèdres de l'Atlas,

Des sérénades du ruisseau,

De cette comtesse de Hel

Aux yeux d'orage

Qui portait une ombrelle

Et descendait le mirador.

 

Je me souviens de cette nuit,

C'était la nuit des perséides.

 

Poème © Sélène Wolfgang

Extrait de "En comptant les étoiles" (à paraître)

 

MARCHE AU CLAIR DE LUNE

 

La lune honore

Le ciel nocturne.

 

Trouverai-je, ce soir,

Le papillon caché

Comme un secret

Dans le bosquet doré ?

 

L’écho mourant

Du tonnerre retentit.

 

Déjà, j’entends

Les adieux de l’été.

 

Sur la montagne solitaire,

Les centauresses contemplent

La chute des étoiles.

 

L’enchanteresse du crépuscule,

Tourbillon de feu,

Capricieuse voyageuse

Dans l’éther bleu,

Survole la rivière.

 

L’aronde du lierre,

La convoitée, chante

Des quatrains aux aconits

Qui ferment leurs corolles.

 

L’apporteuse de délices

Enjambe le cercle

Diamanté des fées.

 

Les Vanes des marées

Changeantes jouent

Avec les nymphéas roses

Et les escargots d’eau.

 

Ô laissez l’onde

Emporter mon rêve,

Que le chuchotis de l’aquatique

Forêt le berce

Sous les verts flots !

 

Poème © Sélène Wolfgang

Extrait de "En comptant les étoiles" (à paraître)

 

Photo © Benoît De Greift

LES NYMPHES DE LA SEINE

 

D’après une peinture de Rachel Baes

 

Elle voulait rejoindre

Les nymphes et les ondines

Dont les robes légères

Se confondent aux blancs

Duvets des cygnes.

 

Elle s’est jetée dans la Seine,

Elle est partie sans bruit,

La fille du pont,

La fiancée des étoiles

Et quand sonne minuit,

Sur une barque fantomale,

Elle m’apparaît dans son doux

Voile d’écume.

 

Elle chante ses tristesses

À la lune en caressant

L’onde endormie

Dont chaque flot est un chemin

Qui mène vers son palais !

 

Elle s’est jetée dans la Seine,

Elle est partie sans bruit,

La fille du pont,

La fiancée des étoiles !

 

Poème © Sélène Wolfgang

Extrait de "La symphonie du papillon de nuit"

 

LE MURMURE DE L'ESPRIT DU FEU


Je suis une artiste baroque dont le nom est tombé dans l’oubli.

J’ai peint « le triomphe de Bacchus ».

Je suis une Artémis parmi les satyres, une chasseresse de l’ombre à la recherche de son étoile.

De mon pinceau, fils de l’aube et de la nuit, naissent des mondes.

La porte invisible des rêves par laquelle je me suis échappée est restée entrouverte.

Oseras-tu t’aventurer dans mes fêlures, dans ma folie, dans les silences de la femme que je suis et qu’on a voulu brider ?

Je suis semblable à ces reines emmurées. Entendras-tu mon cri ? Si tu l’entends, délivre ce condamné de la toile et fais-le danser où tu pourras !

Texte © Sélène Wolfgang

Extrait de "La symphonie du papillon de nuit"

 

LA VOLEUSE AUX SABOTS DE VENT

 

J’ai volé à la nuit

Tombante une étoile.

 

Je suis la semeuse d’espoir

Dans le chaos, dans la tourmente.

 

Je suis la muse de passage.

 

De fleurs des champs

Et de leurs plus beaux sonnets,

Les poètes maudits

Ont couronné ma tête.

 

Suis-je un ange ou un démon ?

 

Quelle que soit

La saison, les oiseaux

Resteront muets,

Ils ne vous dévoileront rien !

 

J’ai volé les ors

Du soleil levant.

 

J’ai l’arc-en-ciel

Pour manteau de voyage

Et des sabots de vent.

 

Des chevaux aussi blancs

Que des flocons de neige

Qui peuplaient les steppes

Tirent mon carrosse.

 

J’ai volé à la nuit

Tombante une étoile.

 

Poème © Sélène Wolfgang

Extrait de "La symphonie du papillon de nuit"

 

Photo © Sébastien Toubeau

Je voudrais être une chanson

En ce clair instant de fortune,

Pour voler comme un papillon,

Comme le vent chassant la lune.

 

Lessia Ukraïnka

LE SACRE DU PRINTEMPS

 

D’après une peinture de Jane Graverol

 

La tendre hirondelle

Ferme son aile

D’ébène sur le sein

De la dame à la longue

Cape pourpre

Qui marche dans la ville muette.

 

La belle amante

De l’infini des rêves

Qui chante dans la langue

De mai l’exil des cœurs,

Cueille à sa bouche

La première fleur,

Sacre du printemps.

 

Poème © Sélène Wolfgang

Extrait de "La symphonie du papillon de nuit"

 

L'ATTRAPE-RÊVE

 

Dans le feuillu reposoir,

La muse au cœur

Inconsolé murmure

Des mots tendres

À la fleur d’églantier.

 

Le spectre d’un astre

Mort traverse

L’attrape-rêve.

 

Quand reviendras-tu

Apollon des rosiers ?

 

Ton nom est tatoué

Sur les ailes mordorées

De mes mirages en papier

Qui font de riantes

Arabesques au ciel

Égorgé de pourpre.

 

Poème © Sélène Wolfgang

Extrait de "La symphonie du papillon de nuit"

 

ROMANCE GITANE

 

Mes rimes, mes bohémiennes

Ont des roses foulards

De papier, des anneaux,

Des colliers chantants

D’or et de perles.

 

Elles sont les déesses des amours

Clandestines et perdues.

Mes diaboliques fiancées

De lettres ne m’ont jamais,

Longtemps, quittée.

 

Dans l’œil d’azur

D’un vieux rêve

Traversé par des nuages,

Tantôt noirs,

Tantôt évanescents,

Les filles du mystère

Dansent avec la lumière

De l’astre descendant.

 

Entre les persiennes de la maison

D’alexandrins, j’entrevois

Les fleurs d’un passé

Lointain se faner,

Puis flamber à l’ombre

D’un terrible secret.

 

Mes rimes, mes bohémiennes

Ont des roses foulards

De papier, des anneaux,

Des colliers chantants

D’or et de perles.

 

Poème © Sélène Wolfgang

Extrait de "La symphonie du papillon de nuit"