Poèmes I

 

 

PRÉLUDE

 

Qu’il est merveilleux l’éveil de la forêt !

 

Les parfums ensorcelants

Qu’exhale la terre

Montent vers l’azur,

Enlacent l’astre

De beauté qui rougeoie.

 

Comme les bourgeons des fleurs,

Les paupières de la muse s’ouvrent.

Lorsqu’elle fait corps

Avec l’acajou ou le noyer,

Les oiseaux du désir

Inondent ses chairs

De leurs mélodies nouvelles.

 

Qu’il est merveilleux l’éveil de la forêt !

 

Poème © Sélène Wolfgang

Extrait de "La chevaucheuse de lune"

Illustration © Sandra Aitmehdi 

Illustration © Sandra Aitmehdi 

L'IRIS POURPRE

 

Les ailes déployées

D’un héron cendré

Touchent le soleil

Noyé dans la brume.

 

La verseuse de songes

Aux cheveux éoliens

Mord le calice,

Vole les parfums

De l’iris pourpre

Qui a éclos à l’aurore.

Des plumes de cygnes

Couvrent son corps

Ondulant comme la vague.

 

J’habite ce poème,

Sous le berceau d’eau,

Cet endroit rêvé,

Cette forêt enchantée

Depuis que tu m’as laissée.

 

Ton souvenir plane

Au-dessus des vestiges

Du temple de l’Amour.

Sous tes pieds de profane

Qui aiment fouler l’azur,

Palpite encore mon cœur,

L’iris pourpre.

 

Les ailes déployées

D’un héron cendré

Touchent le soleil

Noyé dans la brume.

 

J’habite ce poème,

Sous le berceau d’eau,

Cet endroit rêvé,

Cette forêt enchantée

Depuis que tu m’as laissée.

 

Poème © Sélène Wolfgang

Extrait de "La chevaucheuse de lune"

Illustration © Sandra Aitmehdi 

LES QUATRE SAISONS

 

Elle porte un long

Manteau de givre.

 

Un crâne tournoie

Au bout de son doigt.

D’un fourreau d’escarboucle,

Elle a sorti le glaive.

 

Voici l’hiver !

 

Elle est la vouivre que le rat

À six queues suit,

Mais n’ayez crainte !

 

À minuit, la belle gorgone

Coiffée de coquillages

Et de coraux céruléens

S’endormira dans ce nymphée

Que le lierre enguirlande

Et aucun bruit ne la réveillera,

Pas même un vol de corbeaux !

 

Voici le printemps !

 

Déjà, je vois son corps

Se mouvoir parmi les campanules

Et les lys sauvages.

 

Elle est la tragique Sappho,

La dame des sept collines,

La savante sibylle.

 

À l’entrée de l’antre

Où sont cachés tous les joyaux

D’Orient, un dragon

Avale l’astre de feu,

Puis le recrache dans le firmament.

 

C’est alors que drapée de satin

Rouge, elle m’apparaît !

 

Voilà l’été !

 

En marchant vers le temple,

Elle murmure des prières.

 

Les perles d’obsidiane

Autour de son front et de son cou

Ont le scintillement des nébuleuses.

 

Elle est l’almée, le jour !

L’apsara, la nuit venue !

 

Les chants des chasseresses se mêlent

Aux chuchotements de la rivière.

Le ciel flamboie.

 

Sur son écorce, se promène

La langue de l’aspic.

Elle est l’héliade

Changée en peuplier !

 

Voilà l’automne !

 

Sur l’absinthe, lentement,

Se meurt l’oiseleuse

Au casque de colchiques.

 

Les nuages tirent

Leur révérence avant l’envolée

De la treizième fée.

 

Les plumes safran

Qu’elle avait emprunté

À l’oiseau-tonnerre

Dansent à présent

Dans l’air rose

Du crépuscule avec mille

Feuilles mortes.

 

Poème © Sélène Wolfgang

Extrait de "Ballades d'une nuit musicienne"

Illustration © Sandra Aitmehdi 

LE CARNET DES CHIMÈRES

 

Le papier a des yeux,

De grands yeux

Pour voir que les pendules nimbées

De fleurs fantomatiques ont des visages.

 

Le papier a des mains,

De grandes mains

Qui à elles deux forment un écrin

Où sont enfermées toutes mes larmes.

 

Le papier a des jambes

De longues jambes

Pour chevaucher l’oblique de l’existence

Et traverser les ruelles en feu

Où dansent les maudits.

 

Le papier a des dents,

De longues dents,

Les ailes d’un ange pendillent

Aux lèvres de ce voleur de reflet

Et les pendules qui ont des visages,

Les fleurs fantomatiques

T’observent en salivant,

Le papier a des dents,

De longues dents

Pour te dévorer, Ennui !

 

Poème © Sélène Wolfgang

Extrait de "Noir mouvant"

PENUMBRA

 

Je me réveillerai à l’aube de ton corps pour prendre ton cœur, puis descendrai comme un deuil sous la houle de tes draps. Dans le vieil alambic, bout l’amour, celui-là qui endort les maux ! Je veux ton sang pour élixir, mourir sous l’alchimiste caresse, sentir une dernière fois la fièvre de tes baisers et l’odyssée tiède entre tes bras.

 

Texte © Sélène Wolfgang

Extrait de "Cendres et porcelaine"

Illustration © Sandra Aitmehdi 

Illustration © Sandra Aitmehdi 

MAVKA

 

Par la fenêtre de sa chambre, elle regarde les passants. Elle ne reverra plus son père ni sa mère. Mavka est orpheline à présent. Elle repense à ce malheureux printemps. Elle revoit les champs de tournesols, la maisonnée en flammes. Elle se souvient de ce chant au milieu du chaos. Était-ce celui du vent ou de la rivière ?

Reverra-t-elle, un jour, ce pays où elle a grandi ? Ces primevères qu’elle aimait cueillir refleuriront-elles au milieu du néant ? Les oiseaux ne chantent plus, depuis des mois, là-bas. Éternelle est la nuit. La Grande Faucheuse a dévoré les astres. Elle a aspiré toute la lumière qui manquait à son cœur !

 

Par la fenêtre de sa chambre, elle regarde les passants. Le vent passe ses doigts dans la longue chevelure du soir qui cache la lune. Mavka tremble, puis tombe comme une fleur. Est-ce pour un court ou long sommeil ?

Le grisant espoir reviendra-t-il rosir ses joues ? Le ciel retrouvera-t-il ses astres ? Les primevères refleuriront-elles et les oiseaux chanteront-ils à nouveau là-bas ?

 

Soudain, Mavka s’éveille. Son tendre murmure s’élève, vole et berce le monde.

 

Texte © Sélène Wolfgang

Extrait de "Les soeurs d'Ys"

Guidée par la mélodie d’un violon, je suis allée par-delà la montagne. J’ai vu les muses se balancer au-dessus de l’eau, les biches et leurs faons fouler les pétales des fleurs de grands magnoliers. J’ai entendu le sage, le plus vieux de tous les arbres me chuchoter : « La poésie jaillit des entrailles de la nuit. Ne maudis pas ce cœur d’enfant dans lequel, toujours, dansera l’étoile ! »

 

Texte © Sélène Wolfgang

Extrait de "Cendres et porcelaine"



Illustration © Sandra Aitmehdi 

Illustration © Prisca Poiraudeau

CURIEUSE VISITE

 

La nuit descendit sur la côte. Elise dormait profondément dans la chambre bleue des rêves lorsque le doux visage d’Eleanora lui apparut. Eleanora était sa mère. Son long manteau en peau d’hermine traînait sur le sable rose. Ses cheveux avaient la couleur des soleils couchants. Elle tenait dans sa main un coquillage dans lequel étaient enfermés un anneau et une chaîne en argent. La forme évanescente d’Eleanora s’approcha d’Elise. Ses lèvres rouge sang murmuraient:

 

« Je ne suis plus là, mais je ne t’ai jamais abandonnée Elise. Le fardeau que je portais était trop lourd quand la mer m’a ouvert ses bras. Je demeure à présent dans un château sous la lagune. Je t’offre cet anneau. Sache que je veillerais toujours sur toi, mon enfant, mon amour ! »

 

Puis, tel un oiseau marin, elle s’envola et plongea dans les eaux mortes auréolées de brume afin de rejoindre le palatin tombeau.

 

Une plume aussi légère et diaphane qu’un nuage de fumée tomba sur les paupières d’Elise qui sortit de son sommeil. Cette plume semblait être celle d’un ange. Un coquillage couvert de cendres de lune étincelait sur sa table de chevet. Elle l’ouvrit. L’anneau de Mélusine flamboyait dans l’écrin océan comme les premières lueurs du jour. Elise n’avait pas rêvé…  

 

Texte © Sélène Wolfgang

Extrait de "La maison au bord de l'océan/En comptant les étoiles"