Poèmes II

Photo © Marko Liver Photography
L'ATTENTE
Des saphirs irisent
Ses chairs de nuit
Avides des morsures
Du poète aimant
Dont le langoureux soupir
Plane encore,
Là, sous l’alcôve.
Son histoire tragique
Est dans chacune de ses larmes
Et la dernière ode
Est écrite dans la paume
De sa main blessée
Par les épines de la plus belle
Et la plus parfumée des fleurs.
Dans cette immense chambre
Endeuillée par le souvenir,
Où dorment les boas
Et les robes de soie,
Elle se regarde dans cette glace
Qui a perdu son tain,
Puis se dirige vers la fenêtre.
Elle attend l’oiseau,
Elle sent descendre
Sur elle, la froide
Volupté des caresses
Du soleil qui se couche.
Elle attend l’oiseau,
Fils de Tenebra,
La nuit, qui lui ouvrira
Ses ailes et déposera
Sur son balcon les lettres
De l’ultime prétendant
Au trône de son coeur.
Elle attend, elle attend...
Poème © Sélène Wolfgang
Extrait de "La Muse à la lyre"
L'ÉLOGE DE LA MÉLANCOLIE
Elle a volé les rares
Rayons du soleil.
Elle est habillée des plus beaux
Bleus du ciel.
Lorsque d’un coup d’éventail,
Elle essaie en vain de balayer
Le douloureux souvenir,
Dans la lumière perse de ses yeux,
Je vois se mouvoir
Le spectre de la mélancolie.
Ses secrets sont dans ce livre
Perdu au fond de la mer.
Sous la houle de sa toison fauve
Aussi éclatante que la foudre,
Nage et roule
Comme le tonnerre un serpent.
Je l'ai aperçu, un soir,
Darder vers le firmament
Sa langue comme l'éclair !
Poème © Sélène Wolfgang
Extrait de "Chrysis"

Photo © Marko Liver Photography
CHAT-MUSE
Tandis que sur l’ombreux sentier bordé de capucines, courait la fille de la noire séraphine, surgit, entre les bruyères, la tête neigeuse d’un chat sauvage. Il posa son regard sur la muse dont les cheveux étaient semblables aux blonds rayons de la lune. La demoiselle, en allant se cacher derrière un marronnier, effraya l’oiseau à la huppe d’or qui était, sur quelques rameaux, perché.
Est-ce la muse ou le chat que je vis, soudain, caracoler dans le brouillard ? Est-ce la muse ou le chat que je vis, soudain, descendre de la nuit en prêchant les funérailles du roi de l’éther ?
Poème © Sélène Wolfgang
Extrait de "En écoutant des fleurs"
LA GITANE DE SÉVILLE
Des cendres de cigarette
Se dispersent dans l’air.
La gitane de Séville,
Dans le noir firmament,
Brode des lys.
Elle a entrouvert le rideau
Fait de poussières d’étoiles.
Elle chante son amour
À la lune rousse.
Elle a cette mystérieuse aura
Qu’ont les démons apprivoisés.
Dans sa boîte de santal,
À jamais, sont enfermés
Les mauvais songes.
Une larme coule
De l’œil de la nuit.
Des cendres de cigarette
Se dispersent dans l’air.
La gitane de Séville,
Dans le noir firmament,
Brode des lys.
Poème © Sélène Wolfgang
Extrait de "Gitane rhapsodie"

Photo © Marko Liver Photography
PRÉLUDE
Qu’il est merveilleux l’éveil de la forêt !
Les parfums ensorcelants
Qu’exhale la terre
Montent vers l’azur,
Enlacent l’astre
De beauté qui rougeoie.
Comme les bourgeons des fleurs,
Les paupières de la muse s’ouvrent.
Lorsqu’elle fait corps
Avec l’acajou ou le noyer,
Les oiseaux du désir
Inondent ses chairs
De leurs mélodies nouvelles.
Qu’il est merveilleux l’éveil de la forêt !
Poème © Sélène Wolfgang
Extrait de "Chrysis"
LA TUEUSE AUX MAINS DE NUIT
Au fond de ce bouge,
Vous étiez sans défense
Quand, devant vous,
J’ai dégainé mes charmes.
Le sombre animal
De vos yeux me dévorait.
Je ne pouvais rendre mon arme.
Du baiser fatal que je vous ai donné,
Vos lèvres sont encore meurtries,
Vous ne serez pas l’amant d’une nuit !
Grisé, vous êtes…
De ma divine essence
Depuis ce duel enflammé…
Je vous possède !
Poème © Sélène Wolfgang
Extrait de "La chevaucheuse de lune"

Photo © Sébastien Toubeau